A VENDRE, AGENCE DES DRUIDES
2021


Diorama, 3m x 3,30m x 1,5m
Installation dans une cave des Beaux Arts de Paris
Technique mixte


Dans le diorama, « A Vendre, Agence des Druides », j’ai reconstruit un paysage avec des fragments d’autres paysages culturellement épuisés et qui contiennent déjà plusieurs niveaux de séparation avec le paysage auquel ils se réfèrent. Ces fragments sont des hétérotopies tels que les montagnes des parcs d’attraction Disney, les paysages des films américains, le paysage dans la culture populaire et le divertissement, comme la peinture par numéros, ceux réalisés par Bob Ross dans sa série d’émissions pédagogiques pour la télévision publique américaine, les tableaux lumineux de fontaines dans les restaurants chinois. « A Vendre, Agence des Druides » est un paysage des contradictions  au sein duquel le capitalisme peut cohabiter avec le spiritualisme ésotérique, un paysage à l’envers où, par la représentation, le simulacre est devenu le référent, un paysage cadavre enterré dans une cave dans laquelle il sera pour toujours conservé, mais aussi oublié, un paysage avec du cynisme et de l’humour. 






«À VENDRE Agence des Druides» Ce panneau d’annonce immobilière nous plonge dans un espace peu commun: une cave. Après avoir descendu les marches, un hall au plafond bas laisse entrevoir un miroir de sortie de parking dans le coin d’une seconde pièce. S’y reflète l’image d’un environnement aux couleurs artificielles façon décor de Disneyland. Dirigé vers cette lumière, le pas s’arrête lorsque le regard se tourne vers ce paysage: un diorama à taille humaine se déploie d’une bouche de grotte jusqu’à une toile de fond. Sur celle-ci un panorama peint façon carte de coloriage convoque de nombreuses références. Dans un ciel tiré de l’ancien logo de la Paramount Pictures, s’érige une montagne hybride du Devils Tower et du Mount Prometheus – fausse montagne à Tokyo DisneySea –, aux côtés du Monument Valley et du Matterhorn. En aval, sur un parterre en gazon synthétique se succèdent un buste taillé de Janus posé sur des chips d’emballage, un chauffage d’appoint arborant un faux feu de cheminée, une scène rétro-éclairée d’une écluse de canal et un petit cône d’un sel nippon qui a vocation à repousser les mauvais esprits. Le panneau « à vendre » souligne la duperie : il s’agit d’un hoax.

Ce dispositif illusionniste, traditionnellement pédagogique dans les muséums d’histoire naturelle, est investi par Halldora Magnusdottir sous le prisme de ses racines islando-japonaises qui ont poussé des États-Unis jusqu’en France. Des dioramas photographiés en 1976 d’Hiroshi Sugimoto aux essais de Toby Kamps et Ralph Rugoff, des œuvres de Dominique Gonzalez-Foerster au projet norvégien de Mark Dion, l’artiste explore les relations multi-factorielles qu’imposent une telle manière d’exposer le vrai. Entre nécessité de condenser une archive historique immédiatement lisible à destination d’une mémoire instruite et mise en scène spectaculaire d’un décor factice – propre à l’entertainment capitaliste –, Halldora Magnusdottir interroge finalement la crédulité d’un artifice qui unit fiction et réel, art et sciences, expérience et éducation, nature et mythe, à une époque où notre génération s’enquiert du concept d’anthropocène comme d’un moyen de transmettre son présent aux futures générations.

Texte par Anne-Laure Peressin


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